Claire Sambuc

Proposition de loi contre les fausses informations (« Fake News ») : de quoi s’agit-il ?

L’enjeu de cette proposition de loi est de lutter contre la propagation massive de fausses informations en période électorale et préélectorale et de veiller à ce que les plateformes numériques fournissent des informations « loyales, claires, transparentes sur l’identité et la qualité de ceux qui promeuvent des contenus sur leurs pages ».

Contours de la proposition

En période d’élections, le texte prévoit que les obligations de transparence des plateformes (Facebook, Twitter, Google,…) pendant « les périodes pré-électorales et électorales » soient renforcées, rapporte la juriste spécialisée dans les NTIC, Claire Sambuc.

Le texte prévoit ainsi que « Toute infraction […] sera punie d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 75 000 euros », si « des fausses informations de nature à altérer la sincérité du scrutin à venir sont diffusées artificiellement et de manière massive », le juge des référés pourra être saisi « à la demande du ministère public ou de toute personne ayant intérêt à agir ».

Le juge saisi pourra, dans un délai de 48h, prononcer une des mesures suivantes : le déréférencement du site, la fermeture d’un compte utilisateur ayant contribué de manière répétée à la diffusion du contenu, voire le blocage d’accès au site internet.

Hors période d’élections, le texte prévoit la modification de la loi pour la confiance dans l’économie numérique afin d’étendre le devoir des coopérations des plateformes.

Les réseaux sociaux doivent mettre en place un « dispositif facilement accessible et visible, permettant à toute personne » de signaler les fausses informations et « rendre publics les moyens qu’elles consacrent » à cette lutte.

Concernant le CSA, ses pouvoirs seront étendus et pourra notamment refuser de conventionner une chaîne de télévision « liée à un Etat étranger dont les activités sont de nature à gravement perturber la vie de la Nation »

Saisie pour avis, la commission des lois a terminé l’examen du projet de loi contre les fausses informations, constate Claire Sambuc.

Examen par les députés de la commission des Lois

Claire Sambuc
Claire Sambuc : Proposition de loi contre les fausses informations

Le texte sur la confiance et la fiabilité de l’information a été étudié. Les députés ont adopté 30 amendements du projet, 17 n’ont pas été soutenus et 23 rejetés. Voici les principales modifications soutenues :

  • La clarification de la définition de fausse information : Il s’agit de « Toute allégation ou imputation d’un fait dépourvue d’éléments vérifiables de nature à la rendre vraisemblable»

Le but est d’élargir la notion de fausse nouvelle à celle de fausse information.

L’enjeu principal est d’éviter que puisse être portée une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression. Une autre précision est ainsi apportée : « la lutte contre les fausses informations serait circonscrite aux cas dans lesquels il est établi que la diffusion de telles informations procède de la mauvaise foi ».

  • Une précision sur le point de départ de la période qui imposera une obligation de transparence des plateformes en période d’élections : 3 mois avant le premier jour des élections générales.

Une loi qui soulève des débats

Inquiétude des journalistes et des chercheurs

Ces propositions inquiètent une partie de la profession. Le Syndicat National des Journalistes a adopté une motion réclamant l’abandon de ce projet qui pourrait « devenir un moyen d’entraver le travail des journalistes« , par « l’imprécision de son périmètre d’application et des moyens d’action qu’il propose« .

Au CNRS, plusieurs chercheurs ont exprimé leur méfiance vis-à-vis du projet actuel de loi contre la « manipulation de l’information » mardi 22 mai. Selon eux, cette loi ne sera en effet que « symbolique », car les fausses informations se diffusent de manière plus rapide que les véritables nouvelles.

Proposition et non projet de loi

L’initiative du texte repose donc sur une « proposition » déposée par un député et non d’un « projet » à l’initiative du gouvernement.

Qu’est-ce que cela signifie ? Une proposition de loi n’a pas à faire l’objet d’une étude d’impact ni d’un avis du Conseil d’Etat pour en vérifier la constitutionnalité et la conformité aux traités.

Inquiétude sur les risques de dérives

Une des premières inquiétudes concerne la procédure de référé : mesure d’urgence, elle permet de faire statuer un juge en 48h. Cela implique donc que le juge devra décider, en 48h, de la véracité de l’information et si elle est de nature à altérer la sincérité du scrutin. La question qui s’est posée est donc « Comment savoir si une information est de nature à fausser le scrutin avant même qu’il ait eu lieu ? »

De même, le juge a donc la légitimité de décider du vrai et du faux. Pour Jean-Claude Monod, philosophe au CNRS : « la prétention de détenir la vérité ne fait pas bon ménage avec la démocratie ». Le fait d’établir une seule vérité, au détriment des opinions différentes est susceptible de dérive antidémocratique. Plus qu’inefficace, cette loi est considérée comme liberticide. Comme l’affirmait le sociologue Gérald Bronner, « gare à celui qui clamera que les licornes n’existent pas » : une information impossible à prouver peut donc tomber sous le coup de la loi, la porte semble donc ouverte au délit d’opinion.

Une autre critique consiste également dans le fait que l’arsenal juridique existant aujourd’hui pour lutter contre les propos diffamatoires est suffisant. En effet des textes existent déjà, par exemple, l’article 29 de la loi de 1881, lequel réprime l’infraction de diffamation. Cet article sanctionne notamment l’allégation ou l’imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur et à la considération d’une personne.

La proposition de loi sera examinée en séance à l’Assemblée nationale le 7 juin.

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